mercredi 29 février 2012

Mon histoire

Voilà la copie d'un mail que j'ai posté sur un forum de pilotes auquel je participe de temps en temps...
Un résumé de ma vie de pilote, en quelque sorte :


Après pas mal de refus, j'ai enfin réussi à accéder au poste pendant un vol!

J'avais pu rencontrer l'équipage quelques heures avant le départ et sympathiser avec eux, ils m'ont donc proposé de faire le décollage, l'atterrissage et une partie de la croisière avec eux... Attention plutôt rare de nos jours.

Pour couronner le tout... l'avion en question était un 747/400... qui n'est sans doute pas l'avion le plus récent ni le plus moderne qui soit... mais qui est sans doute un des plus emblématiques.
Moi qui m'étais toujours demandé ce qu'il y avait en haut de l'escalier, j'ai tout vu !! Bon en fait, c'est comme le pont principal... il y a un couloir et des sièges...

La préparation fut rapide, 40 minutes pour... vérifier l'état de l'avion (une "shutoff valve" un peu récalcitrante avec procédure spécifique en cas d'utilisation de l'anti-ice), "faire le plein", remplir le FMS, parler à la radio, repousser, démarrer les moteurs, rouler et décoller... Le roulage à lui tout seul est un grand moment... Pour faire rouler un 747, il faut quasiment le permis poids lourd... à 10m au dessus du sol, la "roulette de nez" est 2m derrière le cockpit, le train principal suit à près de 30m... quand on tourne à 90°, le pilote ne commence à tourner qu'arrivé au bord du taxiway, pour que le train principal ne coupe pas le virage et ne finisse pas dans le gazon.

Le décollage est aussi impressionnant... ça accelère moins vite que les plus petits, surtout quand on est quasi à la masse max (395 tonnes pour 397 autorisés)... du coup le bout de la piste est plus près quand les roues quittent le sol, on a juste assez de temps pour se demander si les calculs de performance n'ont pas oublié quelques tonnes...

Et arrivés à 20.000ft, le copi s'est levé... et m'a laissé sa place. C'était mon premier vol en ligne en tant que Second Officer chez Cathay Pacific pour un Hong Kong-Vancouver.

Et là, au moment où on ajuste sa ceinture et on règle le siège, toutes les heures passées dans le simu semblent bien loin.

Par contre ce que j'avais bien en tête c'est le temps qu'il m'a fallu pour y arriver.

10 ans au total.
Aucune aspiration aéronautique, un Master en Finance dans la poche et un boulot en salle des marchés à Paris, rien ne me prédisposait...
Sauf qu'en 2002, des amis m'ont payé un vol d'initiation à Lognes... et ça m'a plu.

PPL commencé dans la foulée à Lognes, préparation des cadets AF un peu par hasard... donc logiquement ratés au psychotechs.
Puis 2003... mauvaise année... à nouveau les cadets (bien préparé cette fois), je suis allé au bout... mais j'avais préparé un psychomoteur à l'aide d'un logiciel qui fonctionnait exactement à l'inverse de ce qu'AF attendait (en gros: appuie sur le bouton quand telle forme apparaît... avec mon soft, il fallait que j'appuie quand elle n'apparaissait pas... je n'ai pas réussi à reconfigurer mon cerveau assez vite pour avoir un bon résultat). Eliminé. Dommage les entretiens s'étaient vraiment bien passés. Au débrief, le psy m'a dit qu'il ne comprenait pas pourquoi la commission avait prononcé une élimination et non un ajournement... ça m'a fait une belle jambe.
Au même moment, pour savoir si une carrière pro était envisageable, je me suis payé une Classe 1 qui ne devait être qu'une formalité... erreur... mon EEG était "irrégulier" et laissait présager une épilepsie latente d'après le neuro de Percy (bien sûr je n'avais jamais eu de symptôme ou de traumatisme laissant supposer ce type de pathologie). Expertises au Val de Grâce avec privation de sommeil, contre-expertises à la Pitié Salpétrière... tout le monde a conclu que mon profil était hors du commun mais pas dangereux pour 
autant. Le CMAC a jugé l'inverse... et, en plus de ne pas me donner ma Classe 1, m'a retiré ma Classe 2 ("oh ben oui vous comprenez, les critères neuro sont les mêmes"... logique implacable...).
Le médecin chef de Percy m'a alors dit : "laissez tomber, ça ne passera jamais".

J'ai donc abandonné... mais je n'ai pas oublié.

En 2007, quand l'envie de voler a été plus forte et que je me suis senti près à me relancer dans des démarches et expertises en tout genre, j'ai redemandé au CMAC une expertise afin de retrouver ma Classe 2 (même avec des limitations s'il fallait). Mais cette fois, je leur ai demandé de m'indiquer un expert qui leur conviendrait. Ils m'ont donc envoyé au CHU de Nancy refaire une privation de sommeil chez un ponte de l'épilepsie en France... lequel a jugé que, malgré un profil EEG atypique, je n'étais pas épileptique et pas réellement susceptible de faire une crise au cours de ma vie.
Et hop, une Classe 2 dans la poche par dérogation.
Mais je me suis rappelé la petite phrase "Monsieur, les critères classe 1 et 2 sont identiques, vous savez..."... j'ai donc demandé une revalidation de ma Classe 1 au CMAC qui n'a rien pu faire d'autre que de me la donner. Et comme mon cas n'était pas dérogatoire, j'ai demandé à retrouver une Classe 1 
"entière", ce que j'ai obtenu. 
Le plus drôle dans tout ça c'est qu'à ma connaissance, l'EEG n'est désormais plus effectué lors de la visite d'admission depuis quelques années.

Bref, 28 ans, même pas de PPL, mon avenir aéro me semblait restreint à l'aviation de loisir.
J'ai quand même voulu essayer... pour voir... mais sans m'endetter (être vieux présente l'avantage d'avoir des ressources que l'on n'a pas forcément à 21 ans).
PPL réussi en août 2007, mûrissement dans la foulée en parallèle de mon boulot...
Un ATPL par correspondance (ah les longues soirées d'hiver à apprendre le Droit Aérien, les Systèmes, l'Electricité, la Méca Vol...).
Entre temps, j'ai quitté mon boulot de salarié pour monter ma boîte, gagner plus d'argent et me payer mes "chères" licences.
Puis un CPL à Toussus à mi-temps avec mon boulot, puis un IR à Toussus à mi-temps à nouveau, puis un FI à Toussus en prenant des congés. J'ai tout terminé en juin 2010.

Et Cathay m'a appelé.
J'avais postulé en 2009 (un peu par hasard encore une fois, au détour d'une annonce sur un site aéro).
J'ai été convoqué le 8 juin 2010 dans leurs bureaux à Neuilly... mon fils est né le 7 à 17h.
Mais ça a marché...

Comme quoi dans la vie, faut pas lâcher...

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