J'en avais déjà parlé, le JTS est l'occasion pour nous de quitter le monde de l'aviation légère et de se familiariser avec les gros porteurs.
Il y a beaucoup d'aspects couverts en finalement assez peu de séances. Au total, nous avons fait 15 simus de 4h (avec une heure de briefing avant et une après). Chaque vol se divise en 2 : un où je suis "pilot flying" (aux commandes donc) et un où je suis "pilot monitoring" (en support de mon binôme).
Tout d'abord, il y a la taille et la complexité de l'avion... sur notre simulateur favori, avant même de commencer à rouler, il se passe 30 minutes. Nous commençons par "allumer" l'avion en branchant l'APU (mini réacteur dans la queue de l'avion qui permet d'assurer les besoins en électricité du bord à l'arrêt), vérifier l'état de l'avion, superviser le chargement des bagages, passagers, cargo, l'avitaillement en kérosène (avec des calculs à la clé pour vérifier), demander des "clearances" (autorisations de vol) au contrôle aérien, demander le repoussage de la porte d'embarquement, demander l'autorisation de lancer les moteurs, de rouler, de décoller, etc... le tout agrémenté de check lists variées et de vérifications à connaître par coeur (70 ou 80 boutons différents dont il faut connaître la fonction, la position, etc)
Ensuite, au sujet du pilotage lui même, il y a pas mal de différences : un avion léger, à hélices, n'a quasiment aucune inertie, remettre de la puissance se traduit immédiatement par une accélération de l'avion (d'abord parce que le moteur à piston est réactif, mais aussi parce que le souffle de l'hélice qui passe dans les ailes produit de la portance immédiatement). Un Boeing 737 (puisque notre simu est une réplique de ce modèle) a beaucoup plus d'inertie (en raison de son poids d'un peu plus de 100 tonnes et de par la conception même du moteur à réaction)... avant de sentir une accélération, il se passe 3 à 5 secondes... quand on approche des vitesses limites, il y a donc moyen de se faire peur... A l'inverse, quand la puissance arrive, elle fait vite franchir les limites du raisonnable (même en montée).
Les 5 premières séances ont donc principalement été dédiées à la prise en main de l'avion et à l'apprentissage des procédures qui l'accompagnent.
Une grosse différence par contre, avec nos vols d'avant c'est le pilote automatique... eh oui, à partir de maintenant et jusqu'à la fin de notre carrière, on ne volera quasiment plus qu'à travers cet outil qui pilote souvent mieux que nous...
Pour autant, qui dit pilote automatique ne dit pas "assis au fond du siège à regarder l'avion voler". Il existe une grande variété de modes qui laissent plus ou moins de liberté au pilote pour diriger la trajectoire.
En premier lieu, on distingue deux dimensions : la navigation horizontale et la navigation verticale.
La navigation horizontale consiste à s'orienter sur une carte et à aller d'un point A à un point B.
Pour ce faire, on a plusieurs choix : un mode "heading" qui consiste à choisir un cap avec un curseur et à laisser l'avion y aller tout seul (facile... ah mais attention, qui dit cap ne dit pas route pour autant... s'il y a du vent, l'avion subira une dérive dont il faut tenir compte...), on a aussi un mode VOR (je ne rentre pas dans le détail mais en gros, on désigne un repère au sol et l'avion s'oriente par rapport à lui) et on a aussi le mode ultime : LNAV (lui, il est trop fort, tous les points sur la route de l'avion sont enregistrés dans l'ordinateur central de l'avion qui va ensuite y aller tout seul, anticiper les virages, etc).
Bon, bien sûr, LNAV ne marche pas toujours, ce serait trop simple... pour la plupart des approches complexes, les points ne sont pas enregistrés).
La navigation verticale consiste à choisir comment on vole dans le plan vertical (jusque là ça semble clair, non ?)... mais c'est beaucoup moins évident qu'il n'y paraît.
On a un mode standard : ALT (maintien d'altitude), un mode ALTS (qui est un sous mode, qui signifie que lorsqu'on atteindra l'altitude désirée, le mode ALT s'engagera). On a aussi deux modes plus évolués: SPEED et VERTICAL SPEED (VS). SPEED consiste à garder la vitesse de l'avion en ajustant l'assiette (par ex, je coupe la puissance... pour garder la vitesse sélectionnée, l'avion va descendre). VS c'est l'inverse, on choisit la vitesse verticale en ft/min et l'avion va se caler dessus (mais là, la vitesse changera avec les variations de puissance). Chaque changement d'altitude nécessite donc de jongler avec tous ces modes (et surtout impose de savoir comment va réagir l'avion à l'avance...)... surtout quand le contrôleur (qui est aussi l'instructeur) change soudainement d'avis et nous demande d'arrêter la montée ou de la reprendre le plus vite possible...
Par exemple... si, en descente, on souhaite réduire un peu la vitesse en mode SPEED, l'avion va se mettre à monter franchement pour atteindre, au plus vite, la nouvelle vitesse et se remettre à descendre ensuite... pour le confort du vol (et le nettoyage des sièges en cabine) on évite donc...
Car autant, les descentes et les montées représentaient une part faible de notre temps de vol, autant, quand on monte à 33000ft (10.000m), ça prend du temps... c'est simple, sur chaque vol de 2h, on a environ 25 min de montée et autant de descente.
Et un dernier détail... à la différence des avions Cathay (et du nouveau simu qui arrive dans deux mois), le JTS n'est pas équipé d'une automanette (manette des gaz reliée au pilote auto)... la puissance est donc complètement gérée à la main, ce qui est relativement perturbant quand on a un pilote auto qui s'occupe quasiment de tout sauf de la vitesse.
Un autre aspect nouveau pour nous, le travail en équipage... et toutes les incompréhensions et malentendus que ça suppose au départ.
En tant que pilote flying (PF), on se repose sur le pilote monitoring (PM) pour changer les fréquences radio, gérer la radio, faire les calculs d'estimée, suivre la consommation. En tant que pilot monitoring... en plus d'aider le PF (à sa demande), on a un rôle de contrôleur des travaux finis : suivre chaque geste du PF, corriger ses erreurs, lui rappeler ce qu'il a oublié, etc.
Et se voir rappeler ses ratés en permanence, ce n'est pas exactement amusant (mais pourtant nécessaire vu le nombre de choses à faire et la tension qui règne à bord dans les phases critiques).
D'ailleurs, dans nos manuels, plusieurs pages sont dédiées à la manière dont on peut rappeler à quelqu'un qu'il a commis une erreur ou oublié un paramétrage ("souhaiterais-tu que je change cette fréquence pour toi?" au lieu de "pffff, t'es trop naze, t'as encore oublié de les appeler..." etc...)...
Et définir la limite entre aider et commander n'est pas toujours facile... Un binôme de ma classe a associé un très bon pilote à un autre manquant totalement de confiance en lui et souvent dépassé par les événements... quand le bon était PM, il dictait purement et simplement les gestes à l'autre, qui était trop content de se trouver déchargé (sauf que les instructeurs n'appréciaient pas toujours cette aide providentielle). A l'inverse, dans un autre binôme, un des deux pilotes, trop désireux de montrer à l'instructeur qu'il était bon, rappelait continuellement son binôme à l'ordre sans raison ("attention à ta vitesse" alors que l'autre était à 2km/h de la cible par ex). Bref, le travail à deux, ça ne s'improvise pas, ça s'apprend... et pour certains... c'est dur.
Dans mon cas, je me suis vite rendu compte de la complémentarité du vol à deux et de l'intérêt d'avoir deux paires d'yeux dans le cockpit... (maintenant, quand je fais une erreur et que l'autre me le rappelle, je lui dis merci... et je le maudis quand même un peu dans ma tête ;-) )
Autre détail amusant : gérer les "personnels navigants commerciaux" (les hôtesses si vous préférez...). Les asseoir pour le décollage, les autoriser à commencer le service pendant la montée, leur demander de préparer la cabine pour l'atterrissage, etc.
Au final, ces 15 vols sont passés très vite... notre calendrier était particulièrement tendu... 5 semaines pour tout faire... mais 12 simus en un peu plus de 15 jours au final car une classe avant nous avait pris du retard. J'ai donc enchaîné 4 simus de suite (ce qui est interdit par Cathay : 3 max... mais quelqu'un chez FTA s'est gouru...) puis un jour de repos, puis 3 autres d'affilée. 6h au total plus au minimum 5 à 6h de préparation pour chaque = des journées longues et de courtes nuits.
J'ai quand même profité des derniers vols... quand on commence à prendre un peu de recul sur le pilotage pur, on apprend à "manager" l'avion. D'autant que certains scenarii étaient amusants : passager malade exigeant une approche à grande vitesse jusqu'au dernier moment, aéroport fermé pour cause de menace terroriste (déroutement donc), météo qui se dégrade, s'améliore, se dégrade à nouveau... On a appris à prendre des décisions à deux, en fonction d'impératifs opérationnels (la compagnie dispose t'elle de personnels au sol pour accueillir nos 120 passagers sur cet aéroport lambda, au milieu de nulle part? ai-je assez de kéro pour attendre que ça s'améliore?). On a même simulé des annonces passagers (pour faire encore plus vrai...) "Mesdames, Messieurs, c'est votre commandant de bord qui vous parle, en raison de conditions météo très dégradées à destination, nous avons dû nous dérouter vers Macau, nous mettrons tout en oeuvre pour vous ramener dans les meilleures conditions et les meilleurs délas à HK, nous nous excusons pour la gêne occasionnée, bla bla bla...".
Et encore, si on relativise un peu... au cours de ces 15 simus, aucune panne moteur, pas de pilote auto qui part en vrille, quasiment pas de vent en vol... tout ça, ce sera pour la qualification de type (à HK).
merci petit frère pour tous ces détails intéressants...
RépondreSupprimerCh'uis fier de toi... et j'ai hâte que tu m'emmenes faire des loopings avec ton boeing
bizzzz
Cyrille
Salut Manu,
RépondreSupprimerJ'adore !! Tes aventures sont agréables a lire !
Et je suis toujours a l'affût... Mais justement, 1 mois sans nouvelles !!! J'ai regardé les infos du web, et aucun crash répertorié ! Alors ? ils te donnent plus de travail que tu n'as de temps!!?? J'espère des nouvelles très bientôt
Bon courage
Fabrice