Et voilà, le JTS a commencé.
L'étape la plus cruciale de notre formation selon Cathay...
Lors de notre bref passage à HK avant le début de la formation, nous avions eu le droit à un déjeuner avec le top management de Cathay. Et lors de ce déj, on nous avait dit que l'essentiel de ces 6 mois reposait sur le JTS... et que pour tous les autres exams, il s'agissait juste de "tick the good box" pour valider les examens hérités des années 60 de l'aviation civile Hong Kongaise.
Par contre le JTS c'est l'apprentissage du travail en équipage, le premier contact avec un avion complexe, la transition vers les moteurs à réaction... etc.
Le simu que nous utilisons a les caractéristiques de vol d'un Boeing 737 (120 places) mais des commandes hybrides (le panneau supérieur est emprunté à Airbus, les commandes sont celles d'un Lancaster, avion britannique d'après guerre...). Il date, lui-même, de la fin des années 80 (ce qui vous laisse imaginer la qualité des paysages et décors projetés sur l'écran devant nous... on voit les pixels) et n'a plus longtemps à vivre car il sera remplacé en début d'année prochaine par un simu d'Airbus A320 tout neuf... et en raison de son grand âge, il est particulièrement fragile... on doit faire attention à tout ce qu'on fait pour ne rien casser vu qu'il n'y a plus de pièces de rechange...).
Par contre il est "full motion" : il est monté sur verrins (comme une attraction d'Eurodisney)... et c'est bluffant (on ressent les irrégularités du sol au roulage, l'ouverture et la fermeture des portes cargo, etc).
Chaque séance de JTS dure 4h dans le simu, 2h de briefing avant, et une à deux heures après... ce qui fait entre 6 et 8h d'affilée... et c'est long! La séance du matin commence à 6h (donc briefing entre 4 et 5h) et la dernière commence à 18h (donc débriefing après 23h).
Nous aurons un simu tous les deux jours pendant environ 1 mois. Les simus 5, 10 et 15 sont des évaluations.
A chaque simu, l'instructeur rédige un rapport sur notre performance globale et l'envoie directement aux chefs pilotes de Cathay qui suivent donc notre progression en temps réel.
Une grosse dizaine d'instructeurs fait tourner la boutique. Ce sont tous des retraités qui passent un mois à plein temps à Adelaide et qui rentrent ensuite chez eux pour un mois. A eux 10, ils cumulent plus de 200.000h de vol (pour mémoire, j'en ai un peu plus de 300 à ce jour). Certains sont précédés par leur réputation et notamment un d'entre eux qui "fait pleurer" les étudiants (ça tombe bien, c'est lui que nous avons samedi prochain). Celui que nous avons eu hier était plutôt sympa... m'enfin cette fois, il s'agissait surtout de toucher aux commandes, de voir comment l'avion réagit, etc.
Pour chaque simu, le temps de vol est relativement réduit, dans la mesure où on se comporte comme dans un avion réel, nous devons régler toute la partie administrative, toutes les check lists de mise en route, de taxi, etc, ce qui nous prend, en moyenne 40 min au début de chaque séance.
Ensuite, il s'agit de faire un vol complet, du décollage à l'atterrissage. La croisière est toujours réduite car il ne s'y passe pas grand chose... mais comme nous faisons des vols "réels" du type HKG-Taipei, les instructeurs nous donnent des vents de dos démentiels (de l'ordre de 250 km/h) pour réduire le temps passé en l'air.
Pour le travail en équipage lui-même, nous travaillons par deux, un PF : pilot flying et un PM: pilot monitoring, le premier étant celui qui pilote réellement l'avion, le second étant là pour contrôler ce que fait le premier, mais aussi pour l'assister en s'occupant de la radio, des annonces aux passagers, du paramétrage des moyens de navigation, des check-lists. Le PM occupe le siège du commandant de bord (à gauche) et agit en tant que tel (alors qu'en ligne, le PM peut être le commandant, comme le copilote afin que chacun puisse piloter à son tour)... on attend de lui qu'il prenne les décisions, qu'il prenne un peu de recul sur le pilotage pur, etc. Un troisième pilote est aussi avec nous : le pilote automatique. C'est drôle comme la relation homme machine peut devenir complexe dans un avion de ligne: chaque mode du pilote auto correspond à un comportement spécifique: à chaque instant, les pilotes doivent savoir comment il réagira si la situation change, pourquoi il se comporte ainsi, quelles données il utilise pour voler (un cap donné par le pilote, une route insérée dans l'ordinateur de bord...)... C'est donc bien un troisième pilote qui doit savoir où et comment aller quelque part et où trouver ses infos... Bon par contre, y'a pas à dire quand il est correctement réglé, il pilote beaucoup mieux que nous (c'est pour ça qu'on l'utilise autant que possible).
Avec le second pilote, il est aussi important de partager les infos, de se briefer mutuellement... pour que le PM suive ce que fait le PF, ce dernier doit lui transmettre ses intentions régulièrement, et de façon la plus claire possible (Cathay attache beaucoup d'importance au phrasé car 53 nationalités sont représentées dans l'entreprise et pour beaucoup, l'anglais n'est pas la langue maternelle).
Chaque phase de vol est donc "écrite" comme une pièce de théatre, à chaque appel correspond une réponse formatée.
Et le pilotage dans tout ça... eh bien, piloter un avion de 100 tonnes, c'est chouette... et pas si différent de l'avion de 3 tonnes que je connaissais jusqu'à présent. Pour certains aspects, c'est même plus facile... par exemple, il n'y a qu'une seule manette pour les gaz (3 dans un avion à pistons : une pour la puissance, une pour le pas d'hélice et une pour la richesse de la mixture). Par contre, l'inertie est terrible. Remettre des gaz en cas de perte de vitesse prend 5 à 10 secondes (alors que c'est instantané avec une hélice)... mais quand la puissance arrive, elle vous colle au siège... Chaque mouvement doit donc être anticipé et mesuré (pour éviter le coup de pied aux fesses qui vous fait passer largement au dessus de la vitesse désirée...).
La puissance disponible est également impressionnante... l'avion accélère encore franchement avec une assiette de 15° (alors que j'avais du mal à garder ma vitesse avec 5° sur mon Robin, en France). D'ailleurs, dans les basses couches, une de nos préoccupations en montée est de ne pas dépasser les vitesses que la structure de l'avion peut supporter (ce dont je ne m'étais jamais soucié auparavant... ni en montée, ni en croisière et rarement en descente).
En résumé, la quantité de travail qu'on exige de nous est vraiment importante. Le mois qui vient ne va pas être spécialement reposant... tout devant être maîtrisé, appris (par coeur de préférence). Le rythme d'un simu tous les deux jours contribue à faire monter la pression...
Pour nous simplifier la tâche, nous avons monté un simu en carton dans notre salon qui nous permet de répéter chaque phase de vol à l'avance (chaque nouvelle promo fait ça, depuis des années, apparemment ça marche pas mal).
Allez j'y retourne.